Si vous avez lu mon article sur la comparaison entre formats d’images VA, vous avez également lu que pour finaliser les tests sur le ZWO SeeStar, j’attendais une « belle » nuit pour les réaliser.
Ayant bénéficié (dans les Vosges), d’une belle nuit typique d’hiver en altitude et ayant le matériel en question dans mon coffre, j’en ai évidemment profité !
Et voici les résultats (pas trop fameux, autant l’annoncer de suite) issus de cette session.
En soit, j’aurai normalement rajouté les conclusions à l’article précédant, sauf que… J’ai remarqué que toute critique envers ce matériel rendait ses autres possesseurs fortement agressifs !
Un « effet de corps » marketing impressionnant… Pour lequel un (violent) « Quelles sont tes preuves ? » est assené dès qu’on ose écorcher « son » instrument favori.
Triste effet des temps où les nouveaux dieux, les « influenceurs du net » remplacent le simple bon sens des adorateurs…
Mais des preuves, en voilà ! Car comme on disais jadis (aussi) :
- « Non est ad astra mollis e terris via »
(Il n’y a pas de chemin facile de la terre aux étoiles. – Sénèque) - Mais aussi : « Contra factum non datur argumentum »
(Contre un fait il n’est point d’arguties)
Voici donc la description de mes observations, je vous souhaite une bonne lecture…
Mise en place
Comme indiqué en introduction, les conditions météo étaient clairement « nuit d’hiver » comme on les aime en astronomie :
- ciel dégagé
- température inférieure à 0°
- SQM de 20.89, je subissais relativement peu la PL de la ville où je résidais car elle dispose d’un éclairage public bien adapté.
- un premier essai vers 22h montrant quelques nébulosités, j’ai attendu 3h du matin pour profiter des meilleures conditions
- télescope a été installé sur un solide support, bien équilibré et profitant de la meilleure vue du ciel.
- une batterie supplémentaire connectée (pour pallier à la faiblesse de l’interne face au froid…)
- au départ : mode « sauvetage de l’image finale » activé et filtre PL activé
Bref : une nuit à ne pas rater !
Objets observés :
J’avais des objets cibles à traiter… Mais vu les évènements, j’ai abandonné 🙁
En finale, ont été observés (dans l’ordre) :
- M42 (2 min)
- IC434 (1 min)
- IC434 (20 min)
- Bételgeuse (0 min)
- NGC2169 (1 min)
- M42 (6 min)
- M47 (1 min)
- Alpha Monocerotis (1 min)
- NGC 2244 (1 min)
Une « nuit » de minimum 4-5 h possible passée avec au total 26 min de capture ? Y a un problème…
En effet, voyons cela objet par objet.
M42
Avec Orion bien visible dans le ciel et M42 visible à l’œil nu, j’ai lancé une première session de capture pour m’assurer que tout était en ordre avant de passer à plus sérieux…
Les actions :
- Goto via le menu des objets
- Lancement de la prière capture
- Capture et Sauvetage des darks
- Capture de M42, mode « stacked »
- Après 5 min, je remarque de nombreux messages de « ratés » et sauve l’image
- en finale :
En finale, une image suffisamment correcte pour la « montrer » vite fait…
Mais en pratique : 5 x 10 sec de capture (500 sec = 8.3 min) et seulement 120 sec (2 min) de « bonnes » images prises en compte, soit : 76 % de raté !
Et cela alors que le ciel est parfaitement transparent et dégagé ! Donc, dès le départ, apparait un comportement fort semblable à celui déjà détecté lors de mes premiers tests sous ciel « pollué » PL.
En gros : même à l’APN sur pied fixe, je fais mieux…
Conclusion à ce stade :
- même constat que sous le ciel avec SQM 17, donc : la PL n’est pas la cause qui provoque cette perte de données
- si le télescope laisse tomber plus de 50% de « bonnes images » sous un bon ciel,
- c’est une perte d’efficacité magistrale
- et cela ne sert à rien de vouloir l’utiliser pour autre chose de plus précis… !
Ok, testons un autre objet bien connu : IC 434
IC434
Changement de cible via la carte céleste et un « goto » sur IC434 (ou « Horse Nebula ») qui montre des caractéristiques intéressantes pour un logiciel de « dynamic stacking » :
- Alnitak (ou Zeta Orionis) est un « phare » que l’on ne peut pas manquer dès 10 sec de pose !
- Plusieurs zones et étoiles clés de correspondances pour le stacking
- Il ne faut pas beaucoup d’images pour avoir un résultat…
- Mais j’active les options « toutes les images sauvées » et « filtre »
Le premier résultat :
Pourquoi seulement 1 min ?
La raison se trouve facilement dans les captures d’écrans :
La capture s’est effectuée sur 3 min, mais elle se « plante » systématiquement … Voir le compteur d’empilage, qui reste obstinément à : 0 !
En plus les étoiles sont allongées, bref : manque de suivi…
Ce qui se voit parfaitement si on reste en « preview » pendant quelques minutes
Déjà sur 2 min, on assiste en direct à la dérive de Alnitak… Et si on cumule sur une image la dérivation (départ / fin) sur 3 min, on obtient :
On voit (l’immense, en terme de suivi) déviation entre les deux positions, ce tube ne fait dans l’état actuel… Quasi aucun suivi !
A l’examen des images fit capturées (sub-dir dédiée, créée lors de l’activation de l’option), on trouve :
Cela donne :
Time | Duration |
03:06:59 | |
03:07:11 | 00:00:12 |
03:07:22 | 00:00:11 |
03:07:44 | 00:00:22 |
03:07:55 | 00:00:11 |
03:08:07 | 00:00:12 |
03:08:18 | 00:00:11 |
03:08:29 | 00:00:11 |
Total | 00:01:30 |
Donc… Pendant une minute et demi (ou 8 captures), l’algorithme d’empilement fonctionne correctement (1 seul raté) et fourni une image empilable, après : il va d’erreur en erreur et ne traite plus rien..
Est-ce un hasard ou une attitude systématique ?
Un deuxième test montrera un comportement identique…
Bref : on voit même ce coup-çi le « tracé » des étoiles pendant la capture !
Première hypothèse : Ne serait-ce pas une faiblesse CPU ?
Pour faire un prix agressif rapidement sur le marché (qui est sa caractéristique principale), n’aura-t-on pas assemblé des composants « bas de gamme »
du côté processeur ? On sait que le ASI AIR n’est pas un foudre de guerre, mais dans sa version « Pro », il fait cependant son boulot.
Perso, il a fallut me convaincre (avec les autre tubes du marché) que je pouvais abandonner le couple « PC + logiciel » avant de devenir un utilisateur quasi exclusif des « télescopes V2.0 »,
sans cela, cela ne restait qu’un gadget (cher) uniquement utilisable pour des démos grand public.
Donc, le processeur a-t-il assez de ressources pour : suivre, capturer, stacker, sauver, afficher… Dès qu’on demande d’en plus de sauver les images ?
- Sous un ciel identique
- Action : supprimer l’option « toutes les images »
- Action : refaire le Goto sur l’objet, pour s’assurer de la position de départ.
- Et se donner une durée de 20 min au moins pour estimer le résultat
Le résultat change un peu…
Après 38 min de capture (38 x 60 = 2280 sec), on obtient en finale 20 min (1200 sec) de stacking, soit 62.5 % des images utiles… !!!
Le résultat final est :
Est-ce que tous les problèmes sont résolus en supprimant la sauvegarde de toutes les images ?
A ce stade :
- si on veut voir les images capturées, on n’a pas le suivi
- si on a un suivi, on ne sait pas trop sur quoi l’empilement ne marche pas…
- et de toute manière, le retraitement « perso » (sans les images fits individuelles) est exclus !
Il ne reste qu’a valider cela sur d’autres cibles, dont acte…
Prenons une étoile (cible facile), avec la plus lumineuse et proche : Betelgeuse.
Bételgeuse
- Localisation via la carte céleste
- Pointage vers l’objet
- Lancer le stacking…
Et… Ce n’est pas un résultat fantastique !
Une perte d’empilement systématique…
Alors que l’étoile est bien visible, qu’est-ce qui empêche le stacking ? Y-a-t’il (de nouveau) une perte de suivi ?
Apparemment pas, comme le montre le preview :
Le suivi ne parait pas mauvais… Mais après 2 min de capture sur un objet hyper lumineux : 0 image de sauvée !
Alors que la visualisation donne une image, pourtant !
=> Bref, (encore) un bug dans le programme de capture, visiblement incapable d’empiler des images avec UNE étoile comme cible ?
Vachement bizarre (et un symptôme de tests logiciels bâclés ?)
Essayons sur autre chose : NGC 2169, un amas.
NGC 2169
- Localisation via la carte céleste
- Pointage vers l’objet
- Lancer le stacking…
Résultat :
Cela à l’air de fonctionner (du moins pendant 40 sec pendant 1 min 20)… Mais comme la qualité de la capture n’est pas top… On va refaire la mise au point.
Après le redémarrage de la capture, je laisse celle-ci un moment.. Mais enregistre de temps en temps les écrans.
Et au retour, après plus de 20 min de capture, on a : 1 min de stack ! (soit 5% des images capturées !)
A l’examen des images de l’APP, il apparait que la capture est très rapidement tombée en erreur. Et là encore : on voit clairement la dérive qui apparait même pendant l’empilage, avec des tracés d’étoiles !
En finale de 20 min de capture, on a ce résultat…
Est-ce parce que c’est parce que j’ai demandé la mise au point après un « goto » qui était (apparemment) correct ???
Au point où j’en suis…. Ok, va retenter M42…
M42, deuxième prise…
- Localisation via le menu de recherche
- Pointage vers l’objet (SANS faire la mise au point !)
- Lancer le stacking…
En 26 min de capture, on obtient finalement : 6 min de stack ! (soit un score de 23% d’images utiles)
Comme d’habitude… L’image est intéressante pour « montrer » lors d’un barbecue en famille…
Mais la qualité est clairement en retrait de ce qu’elle devrait théoriquement être, avec seulement moins d’un 1/4 des images capturées réellement traitées !
Etc, etc, etc…
J’ai continué à tester des objets de différents types (étoile, amas, etc… ) avec… Le même résultat !
Bref… A mon niveau : une nuit de perdue… Mais on peut clairement s’interroger sur la qualité générale du stacking.
Une deuxième nuit…
De retour at home, j’ai profité d’une nuit pour tester : deux Seestar 50 en parallèle !
- Nuit d’hiver correcte pour la Belgique, SQM 20.2, ciel dégagé, mais quelques nuages épars de temps en temps…
- Télescopes identiques (évidemment)
- Parfaitement à l’horizontale
- A 50 cm l’un de l’autre
- L’un contrôlé par une tablette, l’autre par un smartphone
- Pointage des mêmes objets : NGC2237, NGC2359, IC434 (en partie)
- Durée de capture réelle : 1h
- Temps de capture réels et stacking : voir le tableau ci-dessous…
Conclusion : la performance globale de capture est de l’ordre de 50% et est compatible avec le score obtenu dans les images précédentes.
Quand aux images capturées, on a un résultat comparable entre scopes…
(fits, scnr, balance auto, balance couleur identique)
Rem : on a pointé avec un léger décalage pour être certain d’identifier les images…
Pour une capture de 30 min avec un 50mm, c’est très honnête…
Conclusion
Quelle est la ressource la plus rare pour un astrophotographe faisant du suivi d’objet (variable, comètes, etc…) et qui ne réside pas au Chili ?
Evidemment, une nuit d’observation utilisable !
Et ici, avec 18000 sec exploitables dans la nuit des Vosges, finir avec… 1560 sec capturées et traitées, soit 8% de la nuit ! C’est clairement un échec en terme de quantité… Pour ce qui est la « qualité » des 8% obtenus, je vous renvoie à l’article plus dédié (j’y intègre la seule image valable de cette nuit et les deux images capturées la deuxième nuit).
Après la deuxième nuit de test, avec ces deux SeeStar en parallèle, on peut distinguer quelques aspects importants :
- Ce n’est donc pas le problème d’ UN télescope, c’est identique pour tous.
Et le matériel n’étant pas un problème, cela devient donc une caractéristique (comme le PEC, le bruit, etc…) - Il reste un décalage dans le temps de capture entre télescopes, mais après examen des images, j’ai une hypothèse…
Qu’il me faudra retester dès qu’une nuit claire sera disponible… - En finale, la qualité des images reste cohérente entre télescopes, et c’est la qualité que l’on pourra obtenir pour 700 eur.
- Et vu l’intégration et le poids du télescope, le résultat est très convenable, mais il faut spécifier l’usage…
ASI/ZWO est une firme qui dispose de tous les composants pour réaliser un télescope automatisé sous la main…
- capteurs
- électronique
- mécanique
- logiciel
Donc, en théorie, ZWO la capacité de descendre les prix, et c’est ce qu’ils ont fait avec 50% du prix du moins cher de la concurrence…
C’est bien joué de la part de ZWO, qui en terme marketing mise sur le prix et la réputation de ceux qui l’ont précédé.
Là encore, l’intérêt d’une solution « 2.0 » par rapport à une solution traditionnelle, ce n’est pas forcément son prix, mais son usage.
La qualité logicielle reste la pièce maitresse… Et c’est ce qui manque encore visiblement à la solution actuelle, mais j’ai un doute sur le sous-dimensionnement (pour le coût) des composants qui va (rapidement) vite transformer ce modèle en obsolète (et rapidement limiter ses capacités)… L’avenir nous le dira.
Mais comme ZWO aime vendre (du neuf) en permanence… Un « SeeStar 60, 70, 80 » sont certainement déjà prêt à remplacer tous les défauts du 50, en arguant le bon vieux « c’était pas cher, donc vous pouvez en acheter un autre ? »
A cela, je réponds qu’à diamètre égal, une solution du genre AZ/GTI + petite ED 50 + CCD 2Mpix + ASI Air (même lite) + filtre va certes coûter un peu plus cher, mais elle va exploiter 100% des images ! Mais elle sera moins portable.
Si je compare aujourd’hui avec les solutions du type Vespera ou Equinox, il est évident qu’on ne joue pas dans la même cour à ce stade, mais selon le besoin.
Résumons la situation :
En résumant, à ce stade du marché et des logiciels implémentés :
- En imagerie pure (aka « jolies images »), Vaonis fournit la meilleure qualité d’image (surtout via leur technique de mosaïque) et le logiciel est impeccable au niveau ergonomie
- Unistellar est le plus rapide en acquisition et grâce à sa résolution supérieure, offre naturellement un meilleur suivi sur les cibles faibles. En démo grand public, il est le plus pratique et versatile. Sa résolution + images fits + modes de capture permettent ensuite de faire de la science (en décalé, certes… Mais la mise à disposition immédiate des images à réduit la problématique)
- Le ZWO à ce stade… Cherche encore son usage final, à mon sens… A ce stade, il permet de montrer une image à un barbecue familial (si il veut bien la fournir !, cf tests) et son prix permet de le positionner dans la catégorie « gadget évoluié ».
A 700 eur, pour un novice total, cela représente « la » solution pour découvrir le ciel… Les défauts passent rapidement.
A 2000 eur, les défauts auraient été inacceptables… A ce stade du marché !
La règle est toujours : « Le bon télescope, c’est celui qu’on utilise… »
Le prix n’est en soi qu’un aspect, quand on sait ce que l’on veut…
Et une solution « assemblées par ses soins » est toujours un choix indispensable dès que l’on sort des cibles non autorisées par ces solutions « intégrées », il n’y a pas photo dans ce domaine.
Que faire pour obtenir mieux ?
Clairement, à ce stade logiciel, ce n’est pas ce tube qui va m’accompagner en voyage sous des cieux cléments…
Des questions se posent :
- On ne peut pas dire que « cela ne fonctionne pas« , mais plutôt que « l’efficacité est faible« … Donc : si cela ne dérange pas, pas de soucis… Sinon : passez à autre chose.
- Est-ce un problème purement logiciel ?
=> et il faut espérer qu’un update corrige les problèmes ?
=> On verra avec le futur… Sauf si c’est le « hardware » en cause, car alors : pas de solution…
Perso, j’utiliserai chaque télescope selon les + et -, selon le cas, mais je suis d’accord que c’est une solution (facile) de passionné du ciel prêt à investir dans le domaine.
Comme indiqué, dans le domaine des tubes « VA intégré » , à ce stade du marché (12/2023)
- Unistellar s’impose pour l’astronomie scientifique
- Vaonis s’impose pour la qualité des ses images artistiques
- Le SeeStar est clairement la solution « low cost » grand public, mais peine encore à trouver sa vraie place….
Si vous désirez acheter un télescope de ce type, ne prenez donc pas le critère « prix » comme seul guide, il faut penser usage.
Et bon ciel